14 septembre 2011: Septième diner (premier diner "prestige")

 

C'est avec beaucoup d'excitation que je me prépare à l'ouverture des vins du diner "prestige". Je n'ai jamais eu l'occasion d'ouvrir des vins aussi prestigieux. Jugez-en plutôt en lisant le menu:

 

 

Mumm & Co - Sekt Dry - Selection Lufthansa - #1980

 

Foie gras de canard des Landes au naturel

Champagne Moët et Chandon - Dom Pérignon - 1980

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Champagne Henriot - Cuvée Baccarat – 1976

 

Feuilletés de ris de veau aux champignons frais des bois

"Y" d'Yquem - Bordeaux blanc - 1985

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Aile d'argent - Château Mouton Rotschild – 1995

 

Mignon de filets de veau poêlés, sauce aux truffes noires,

légumes de saison, pommes noisettes

Clos de Tart - Mommessin - 1976

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Château Brane-Cantenac - Margaux – 1924

 

Tarte nougat-pomme, glace cannelle

Tokay - Hongrie - 1969

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Château Guiraud -Sauternes – 1976

 

Mignardises

Rhum - Distillerie de Courcelles - 1972

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Cigare - Rey del Mundo Demi-Tasse – 1990

 

 

 

 

 

Comme d'habitude les vins sont à température idéale et c'est l'esprit tranquille que je peux débuter l'ouverture. Je commence par les deux bordeaux blancs. Comme ils sont assez jeunes, les bouchons sortent sans trop de difficultés. Les deux nez sont fantastiques! Je ne suis pas familier des blancs du bordelais, mais je crois avoir affaire à deux très grands vins. Le bouchon du Clos de Tart se casse en deux, mais je n'ai pas trop de peine à l'extirper complétement. Par contre, impossible de retirer la moitié inférieure du Brane-Cantenac. Après plusieurs tentatives, je remarque que le goulot n'est pas régulier. Un petit renfoncement empêche le bouchon de sortir. Je décide d'attendre le dernier moment et de faire tomber le bouchon avant de carafer le vin. Les deux liquoreux sont prometteurs et je me dis que la soirée va être mémorable. La fin d'après-midi est belle et j'en profite pour prendre l'air et essayer de me détendre.

Mes six convives arrivent et c'est sur un sekt allemand que nous prenons l'apéro.  Ce champagne allemand était servi sur les vols de Lutfhansa dans les années 80. Il provient de la maison Mumm & Co, branche allemande issue des champagne Mumm. Annoncé comme Dry, sa douceur est bien prononcée. Sympathique, il met tout le monde d'accord sur le fait qu'il y a champagne et Champagne. Nous en aurons d'ailleurs une formidable démonstration avec les deux vins suivants.

Les robes du Henriot cuvée Baccarat 1976 et du Dom Pérignon 1980 sont magnifiques, mais très différentes. Celle du Henriot et cuivrée et le vin ne déploie que peu de bulles. Le dom Pérignon fourmille de millier de bulles minuscules qui donne un aspect trouble à la robe. Le nez du Henriot me rappelle celui des autres champagnes anciens que j'ai eu l'occasion de déguster. Il est surtout marqué par les fruits jaunes. En bouche le champagne est rond, la bulle est discrète et les arômes de fruits jaunes, presque de pomme donnent à l'ensemble une jolie structure. Mais le Dom Pérignon le domine largement. Les notes beurrées, toastée, de noisettes grillées emplissent la bouche et joue avec le foie gras de façon magistrale. La bulle est fine mais présente. Ce champagne qui a le même âge que moi est merveilleux et nous regrettons que la bouteille ne soit pas inépuisable comme la cruche d'huile dans l'histoire d'Elie.

On nous sert ensuite les deux blancs. Comme je le disais plus haut, je ne suis pas familier des blancs du bordelais, mais quand je goute le "Y" d'Yquem, je me retrouve devant un vin pour lequel je n'ai aucun point de repère. Le nez est clairement un nez de liquoreux, mais en moins dense. Par contre en bouche on a un vrai vin sec, plein, dense, soyeux. On retrouve quelques notes confites qui donnent une superbe structure à ce vin. Les "Ailes d'argent" sont dans un registre plus "citronné". La belle acidité du vin le rend net et précis. Nous avons pu gouter deux vins très différents, mais relevant chacun avec panache la qualité des domaines qui les produisent.

J'attendais avec impatience de pouvoir goûter aux deux rouges. Le Clos de Tart pour sa réputation et le Brane-Cantenac parce que c'est la première "vielle" bouteille que j'ai eu l'occasion d'acquérir. Le Clos de Tart est stricte, droit dans ses bottes. Mais les tanins soyeux, les touches de baies rouges et la belle longueur en bouche lui donnent un côté charmeur très agréable. Malheureusement pour lui c'est le Brane-Cantenac 1924 qui captive toute mon attention. La robe est magnifique. Soutenue, sans aucun signe d'évolution, elle ne trahi absolument pas les 87 ans de ce vin. Le nez est beau, trop complexe pour que je puisse bien le cerner, il m'envoie de magnifiques touches de sous-bois et de gibier. La bouche est onctueuse, une légère acidité rappel l'âge du vin, mais en même temps lui donne une fraicheur fort agréable. Pour couronner le tout, le vin tient dans le verre et devient presque de plus en plus complexe au fur et à mesure de la dégustation. Ce vin résume à lui seul les raison de ma passion pour les vins anciens.

C'est la tête pleine des émotions du 1924 que je goute les deux liquoreux. Ils auraient brillé dans n'importe quel repas, mais le souvenir du Brane-Cantenac les rend classiques, sans véritable attrait. Ne nous méprenons pas, c'est deux vins sont excellents, mais manque du petit quelque chose qui les feraient sortir de l'ordinaire.

Le repas se termine et, une fois n'est pas coutume, nous allons continuer nos découvertes sur le terrasse en dégustant un cigare accompagner par un vieux rhum. C'est une première pour certain et un retour aux sources pour moi-même. Pour ceux qui l'ignorent, j'ai longtemps travaillé comme vendeur dans la prestigieuse maison Davidoff à Genève. Fumer un cigare cubain de 21 ans d'âge et boire un rhum de 39 ans est une occasion rare. ...

Ce 7ème repas est a marqué d'une pierre blanche. Les vins ont été superbes. Ils ont tous une magnifique prestation. Le repas fut excellent, particulièrement le veau. Mais ce dont je suis le plus fier c'est de l'ambiance qui a régné durant ce repas. Chacun avait sa place, connaisseur ou novice. Chacun a pu partager ses émotions, poser ses questions profiter au mieux de ses instants magiques.... Je me réjouis déjà du prochain repas.